Hôpital de Loi Tai Laeng - Historique et témoignage

L'hôpital, ou plus exactement la clinique de Loi Tai Laeng, a été créée en 1999 sur le site du tout nouveau Quartier général de la SSA (Shan State Army). Il s'agissait au départ d'un simple dispensaire médical de campagne dont la mission essentielle était d'apporter les premiers soins aux combattants blessés au cours de la lutte contre la junte birmane.

 

 

Le site de Loi Tai Laeng avait été choisi par les leaders pour des raisons à la fois stratégiques et géographiques : il se situe directement sur la frontière entre la ville thaïlandaise de Mae Hong Son et la ville de Mong Pang, au sud des états Shan. En plus des lésions par armes à feu et autres blessures de guerre habituellement rencontrées dans les zones de combat, les 5 infirmières et aides-soignants du dispensaire médical, qui avaient été formés par les Karennis, offraient également leurs services aux femmes et aux enfants des populations déplacées.

 

 

Le petit village de 300 personnes au moment de sa fondation est maintenant devenu un gros bourg de plus de 3000 personnes, avec des familles, des personnes âgées et toutes les autres catégories de population habituellement rencontrées dans ce genre de collectivité. Les besoins en soins médicaux se sont accrus en conséquence et la clinique emploie actuellement 20 personnes : infirmières, sages-femmes et aides-soignant(e)s pour un salaire quasiment inexistant. À ce personnel permanent vient se rajouter une dizaine de volontaires du village qui viennent en assistance dans les cas d'urgence.

 

 

La capacité d'accueil de la clinique est de 20 lits et il y a environ 30 consultations par jour, ce chiffre pouvant varier fortement en fonction de la saison. L'hôpital est dirigé par Madame Paw, une infirmière en chef extrêmement dévouée et compétente. C'est elle qui réalise les diagnostics et, en cas de doute, elle demande une assistance téléphonique aux médecins thaïlandais des hôpitaux de la région, avec tous les risques d'erreur que cela comporte.

 

La clinique est en réalité surnommée « Hôpital sans médecin », car les rares médecins bénévoles qui viennent ne restent généralement pas très longtemps en raison de l'isolement du site, des conditions de vie difficiles et de la crainte des attaques militaires. Il n'y a pas non plus de salle d'opération et, bien évidemment aucune ambulance.

 

En résumé, un manque d'expertise médicale, mais une admirable dévotion renforcée par un sens aigu de l'innovation, avec pour règle l'adaptabilité face aux manques.

 

Pour illustrer les difficultés rencontrées au quotidien, voici le témoignage d'une intervention effectuée il y a quelques années par l'un des aides-soignants, il s'agissait d'une amputation :

 

« Nous avons accueilli un patient dont une jambe avait été déchiquetée par une mine. Nous n'avions pas de médecin, pas de salle d'opération, ne disposions d'aucun équipement pour faire face à ce genre de blessure et d'aucun moyen de transport avec lequel nous aurions pu l'évacuer vers un hôpital thaïlandais proche.

La blessure saignait abondamment et était chargée de fragments d'os. Nous avons arrêté le saignement par des points de suture effectués à vif, mais il était absolument vital d'amputer sous le genou.

 

Nous n'avions aucun instrument correct et avons alors utilisé une banale scie à métaux que nous avait apporté un villageois. L'anesthésie – locale – a été pratiquée par voie intraveineuse, mais ne semblait pas très efficace. Le patient gémissait et se tordait de douleur et de nouveaux points d'hémorragie étaient apparus. L'opération a en tout durée plus de 4 heures, une séance interminable et très éprouvante tant pour le malheureux patient que pour le personnel médical.

 

Une fois ces « premiers soins » apportés, il a fallu transporter le patient jusqu'à un hôpital digne de ce nom, soit 6 heures de trajet à travers les pistes de montagne, après avoir attendu un véhicule pendant plus de 3 heures.

 

L'extrême humidité ne favorisant pas vraiment la guérison, une odeur suspecte commençait déjà à se dégager de la blessure. En arrivant à l'hôpital, les médecins ont été à la fois étonnés et amusés par notre « bricolage », mais le plus important était que le patient ait survécu.

 

Aujourd'hui, il habite toujours dans les montagnes et on peut le croiser régulièrement avec sa prothèse, parfois même au volant d'un pick-up. Un patient parmi tant d'autres qui doit sa survie au dévouement et au professionnalisme des personnels médicaux de l'hôpital « sans médecin » de Loi Tai Laeng. »

 

Paw Shar Gay, Infirmière en chef de l'hôpital de Loi Tai Laeng



12/06/2009
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